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Blog de Abdelghafour Bakkali

Les contours définitionnels du concept 'communication'.

Abdelghafour Bakkali

 

« Nous habitons nos pensées, la vie qu'on vit est dans la tête, physiquement dans la tête. Mais on n'invente pas le monde, on est entouré des choses et nos corps sont trempés dans cette réalité [...] et c'est cette expérience que je veux communiquer. »

Paul Auster, La solitude du labyrinthe: essai et entretiens, 2004, Babel, Collection n°662 

Dans le présent article, je vais essayer de présenter les contours définitionnels du concept communication en me référant aux dictionnaires de langue et aux auteurs qui ont étudié les facteurs et les fonctions de la communication, en l’occurrence la communication verbale. Cela nous éviterait bien des désagréments en ce qui concerne ce mot qu’on utilise sciemment dans les quelques activités pédagogiques. Je commencerai par exposer la communication saisie dans le domaine de l’information qui le premier ait élaboré un schéma d’émission et de réception entre une émetteur et un récepteur. Ce qui facilitera par la suite la compréhension du modèle de communication verbale conçu par Roman Jakobson. Qu’est-ce d’abord la communication ? Ensuite comment conçoit la théorie de l’information le processus de la transmission et de la réception du message ?  Deux questions qui pourront nous enrainer sans difficulté dans l’analyse du schéma de communication verbale de Jakobson.

Le concept de communication s’impose avec acuité à notre monde dominé par des échanges multiples et variés allant de l’image fixe à la vidéo. On parle notamment de «l’ère de communication». Le développement de la technologie de l’information et de la communication a donné un essor considérable dans la transmission de données. L’ère de l’iPhone, iPad, de Samsung S3 et bien d’autres outils « intelligents » s’imposent et offrent à leurs usagers de multiples services. Tous les sens sont servis, et plus particulièrement, la vue et l’ouïe. De ces considérations générales, on ne doit retenir que la question capitale : qu’est-ce communiquer ? Le terme, quoique utilisé en abondance, est souvent mal défini. Souvent une ambiguïté s’installe chaqure fois qu’on aborde ce domaine d’échange et de relation entre émetteur et récepteur de l’objet de communication..

Le verbe communiquer est issu du latin communicare, dérivé à son tour du substantif communicatio qui signifie «mise en commun, partage avec d’autres, être en relation avec ». Dans la microstructure de Robert consacrée au mot-vedette  communiquer, on relève deux niveaux d’acception selon la transitivité ou l’intransitivité du verbe. Employé transitivement, communiquer reçoit le sens de « faire connaître qqch. à qqn. », au sens de transmettre une information. On communiquer une nouvelle. Il acquiert également l’acception « faire partager » (une joie, par exemple). On dit « communiquer sa joie ». Un troisième acception « rendre commun (à) ; transmettre qqch.» caractérise ce verbe transitif. On emploie, par exemple, « communiquer une maladie ». employé intransitivement, il signifie d’abord « être, se mettre en relation » : on  communiquer avec un ami ; ou encore «influencer l’opinion d’un public » (cible) par une transmission efficace d’idées, d’impressions, d’images symboliques. Cette entreprise communique bien. Appliqué à des choses, il véhicule l’idée d’« être en rapport avec, par un passage » : des  pièces qui communiquent.

Sous l'unité lexicale communication, on aligne grosso modo deux principales acceptions : d’abord, le mot renvoie à la  « possibilité de passage ou de transfert entre deux points », viz. les voies de communication; ensuite, il tend à signifier la « transmission réciproque de messages entre émetteur et récepteur », entre source et destination. Ch. Baylon et X. Mignot, 1994, La communication, Paris : Nathan (Fac. Linguistique), voient dans communiquer et le substantif communication qui en dérive des termes polysémiques mais ambigus ; ils citent les exemples suivants :

P1. Combien coûte une communication téléphonique avec Paris?

P2. Dans cette région, les communications sont difficiles.

P3. On devrait établir une communication entre ces deux pièces.

Les trois énoncés, dont le noyau sémantique véhicule l’idée de réunir ce qui est séparé, explicitent les sens les plus usuels de ce lexème. Dans P1, il s’agit d’une opération qui met en contact, grâce à un appareillage, deux personnes éloignées qui transmettent réciproquement des messages ; dans P2, le terme fait référence aux moyens de transport (et aux voies de communication) qui relient des points caractéristiques de l’espace ; tandis que dans P3, il est question d’un passage entre deux pièces, tel que porte ou couloir. L'emploi de ce mot s’étend de plus en plus au point qu’il s’impose actuellement à presque toutes les activités humaines (en politique, en industrie, en commerce, en sciences sociales, etc.). Le destinateur, quelle que soit l’instance à laquelle il appartient, cherche, lui-même ou par le biais de son mandataire, à ce que son « image » soit valorisée par le public visé, telles sont les visées de la publicité qui nous envahit de toutes parts. Le rapport, généralement intentionnel, est établi avec le destinataire par le moyen des médias dont les véhicules changent de façon météorique.

 

Cela dit, la communication a d’abord été exploitée quasi exclusivement par la théorie de l’information, c’est-à-dire l’« élément ou le système pouvant être transmis par un signal ou une combinaison de signaux (qui est le message), appartenant à un répertoire fini » (Robert). Cette théorie, élaborée par des mathématiciens et des ingénieurs en télécommunications, est une théorie statistique de communication qui, au début, était confrontée au problème de codage et du « bruit » qui trouble la transmission des messages (on parle, dans ce cas, de bruit dans le canal de transmission, comme d’ailleurs de bruit sémantique au cas où les contenus des signes décryptés ne seraient pas correctement identifiés). Leur action était évidemment centrée sur des impératifs d’efficacité et d’économie. C’est par une série d’opérations mathématiques que ces ingénieurs et mathématiciens arrivent à quantifier et à mesurer l’information contenue dans des messages transmis par différents codes. L’information, entendue comme « [...] un ou plusieurs événements parmi un ensemble fini d’événements possibles » (Hebenstreit (J.), 1998, « Théorie de l’information », in Encyclopaedia Universalis (CD), 12,301), doit, dans un premier temps, être étudiée (quantité d’information, entropie d’une source d’information, etc.), pour déterminer ensuite les propriétés. On dresse enfin les relations qui existent entre l’information à transmettre et le canal employé. Et cela en vue d’une meilleure utilisation de celui-ci.

Un exemple significatif est susceptible de nous éclaire sur la valeur de l’information. Si l’on cherche un document dans une pile de dossiers, et si ce document se trouve dans un dossier rouge, on donne alors une information qui réduira le temps de recherches au cas où le nombre des dossiers rouges serait restreint ; si l’on précise que le document en question se trouve dans un petit dossier, on fournit une nouvelle information qui réduit davantage le temps de recherche. Le premier qui ait présenté un exposé synthétique de cette théorie (considérée comme une théorie du signal au sens large du terme), fut Claude E. Shannon (1916- 2001), ingénieur électricien aux Bell Telephone Laboratories, plus connue sous l’appellation Bell Labs, fondateur de la théorie de l’information. (Ces laboratoires, fondés en 1925 et implantés dans l’Etat américain de New Jersey, plus connus sous l’appellation de Bell Labs, sont actuellement des centres de recherche et de développement de technologies, plus particulièrement dans les domaines de télécommunications. Un schéma canonique de tout phénomène de communication fut établi de sorte qu’il visualise ce processus de la transmission d'une information : (Baylon & Mignot, ibid., p. 40).

 

Source d’information  transmetteur  canal    récepteur    destinataire

                                 message → signal → signal reçu message                        

                                                                                                     code  → bruit 

Un message est de ce fait constitué d’une succession de signaux tirés d’un répertoire (clavier ou alphabet). La source (d’information) - système de départ - choisit en fait dans ce répertoire les éléments nécessaires en vue de construire un message formulé, et le transmet à l’émetteur (ou transmetteur) ; celui-ci le soumet à une opération de codage, puis par le biais d’un canal (support physique du message) doté d’une capacité donnée (exprimée en bits par unité de temps), l’envoie en langage intelligible au récepteur de message - système d’arrivée - et qui, à son tour, l’astreint à une opération de décodage. En théorie de l’information, le code est constitué d’un arsenal de règles de traduction d’un répertoire en un autre ; « c’est un système artificiel simple, mais facilement modifiable selon les besoins après entente entre les utilisateurs. » (Ibid., p. 43). Pour que le message ne soit pas altéré par le bruitage, on recourt au procédé de redondance en transmettant de plus en plus de signaux ; on aura, dans ce cas, plus de chance pour la compréhension du message, parce qu’en fait, on ne pourrait concevoir un canal sans bruit.

Cette formule de la théorie de l’information, ayant été conçue pour répondre à des problèmes techniques de télécommunications, a été étendue aux sciences humaines et appliquées de surcroît à l’étude de la communication verbale. Une grande difficulté s’impose cependant en ce qui concerne la définition du répertoire, car la mesure de l’information nécessite la connaissance des éléments de ce répertoire. La probabilité subjective entrave également la mesure de l’information (l’unité lexicale d’un discours est souvent en rapport avec l’état d’esprit, le statut social, le niveau intellectuel du locuteur, le type de sociolecte adopté, ec.). Les psychologues introduisent d’emblée ce schéma dans leurs tests d’investigation. Pour le valider, ils l’ont, en premier chef, simplifié et adapté à leurs attentes. Des stimuli provenant d’une source sont communiqués à un sujet (homme ou animal) en vue de tester un état ou une action, le dire et le faire. On répertorie ainsi les réactions du sujet, plutôt ses réponses ou encore son comportement (ce qu’il a vu ou ce qu’il a entendu ou ce qu’il fait). On compare les résultats de l’input et de l’output sachant que l’on connaît le taux de l’information de la source d’émission. La capacité de transmission de l’homme est estimée à 25 bits par seconde (on ne peut, dans tous les cas, se rappeler en même temps une quantité d’information supérieure à 100 bits) : ce qui montre, sans équivoque, la faiblesse de l’homme comme canal, parce qu’un homme, quelle que soit sa capacité de recodage de l’information, ne pourrait être réduit à un canal de communication au même titre qu’une ligne téléphonique ou télégraphique (Ibid., p. 44). Le canal se présente donc comme un système complexe de communication, on aura alors (Ibid., p. 45), schématisons :

codage de

l’expérimentateur

Signaux

 

input

Réception                 Recodage et

et codage                 émission                     

                         

Signaux

 

output

 

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